Encadrant technique, un métier du social qui se professionnalise
La 3ème promotion de la formation ETAIE fraichement diplômée, devant le centre Saint-Jean à Angers (photo : A. Penna).
Le 21 septembre, les stagiaires de la 3ème promotion de la formation régionale Encadrant Technique d’Activité d’Insertion par l’Economique (ETAIE) recevaient leurs diplômes. Une formation dont l’enjeu est de professionnaliser les compétences « sociales » des encadrants en poste dans des chantiers et entreprises d’insertion, souvent venus par le biais technique, et in fine d’améliorer le parcours des bénéficiaires.
Les 14 stagiaires, issus de différentes structures d’insertion par l’activité économiques de la région, passent un à un sur l’estrade pour recevoir leur diplôme ETAIE. Intimidés, ils sont un peu dépourvus de mots pour exprimer au micro tout ce que leur a apporté cette formation en alternance de 15 mois. L’un des rares à avoir prévu le coup sort un petit mot de sa poche qui résume tout : « merci à mon association qui m’a libéré 2 jours tous les 15 jours, merci aux formateurs pour le côté social dont j’avais bien besoin moi qui venait du privé, merci à mes collègues stagiaires pour tous les échanges, merci à ma famille. J’espère que chaque encadrant technique aura envie de suivre cette formation pour faire avancer sa structure ».
De l’économique au social
Celui qui vient de parler, Lionel Moyon, la quarantaine, est un ancien réparateur d’une grande enseigne d’électroménager, lassé de devoir faire du chiffre pour le chiffre. Devenu encadrant dans l’entreprise d’insertion Envie44 – qui rénove à Saint-Herblain du matériel électroménager pour le revendre -, sa fibre paternaliste n’était pas suffisante pour appréhender le profil particulier de ses nouveaux apprentis. Quand sa structure lui propose une formation, il se lance sans trop savoir où il met les pieds. 15 mois plus tard, il avoue avoir changé : « grâce à la formation, je ne me demande plus seulement si le gars sait travailler, mais pourquoi il est là, comment l’aider. Ici, on doit faire du chiffre pour survivre, mais l’objectif ce sont les hommes. Et je ne fais plus que croiser le CIP (Conseiller en Insertion Professionnel), je travaille vraiment avec lui. »
Une profession sociale à part entière
« Les encadrants techniques arrivent « brut » en disant je sais faire de la maçonnerie, du jardinage… mais toute la partie transmission, accompagnement, ils l’a font à l’instinct. Le but de la formation est de leur donner des outils, comme les grilles dévaluation, une méthode. On leur donne aussi des armes pour appréhender le public en insertion constitué de chômeurs longue durée, gérer les conflits, comprendre ce que provoque l’exclusion », explique Marilyne Guillon, de la FNARS Pays de la Loire, coordinatrice de la formation. « Cela permet de créer une identité commune pour les encadrants techniques des chantiers et entreprises d’insertion et de valoriser cette profession du social, difficile et peu reconnue ».
Prendre confiance
Aux dires de tous, aucun stagiaire ne sort indemne de cette formation, ni humainement, ni professionnellement, et cela ne se fait pas sans heurts. « J’ai beaucoup échangé avec mes collègues stagiaires dans la même galère, avec ma tutrice, avec les formateurs. Ca secoue », confie Hamid Anouani, 41 ans, ancien animateur, qui encadre depuis 2006 un chantier ménage et répurgation (sortie de poubelles), un secteur rebutant. Les salariés en insertion d’Hamid fuyaient les uns après les autres. Grâce à la formation, soutenue par la régie de quartier angevine qui porte son chantier, Hamid est enfin parvenu à les fidéliser. « J’ai pris du recul, je me suis poussé à être moteur. J’ai revu l’organisation de la production, mis en place des grilles d’évaluation, des entretiens de progrès individuels. Et ça a marché : j’ai les même salariés depuis plusieurs mois. Même si mon but est qu’ils partent au plus vite vers des entreprises normales». Il conclue : « J’ai assis mon autorité, je suis à l’aise et ça se ressent dans ce que me renvoie mes travailleurs et ma hiérarchie ».
Une reconnaissance
Même constat dans la bouche de Thierry Saliot, ancien chauffeur routier parachuté encadrant technique sur un site minier reconverti en musée, après avoir été lui même en contrat aidé. Ce diplôme est son premier, à 47 ans. « Avant je naviguais à vue. Maintenant j’ai des outils et je différencie bien les quatre compétences de l’encadrant technique : accompagner les salariés, les mettre dans une situation d’apprentissage, gérer la production, travailler avec les partenaires socio-professionnels. Professionnellement, j’ai acquis une légitimité et une reconnaissance. Humainement, j’ai appris à me remettre en cause ». Il ajoute : « Et ça fait boule de neige dans la structure »
Effet positif sur les structures
C’est bien ça le but : professionnaliser petit à petit les 269 structures de l’inter-réseau IAE (Insertion par l’Activité Economique) Pays de la Loire, regroupant 6 réseaux (Chantier école, Coorace, FNARS, régie de quartier, CRCE GEIQ et UREI). Ainsi par exemple, Envie 44, la structure qui emploie l’encadrant électroménager Lionel Moyon, a fait plus que lui dégager du temps pour la formation ETAIE. Suite aux échanges avec la coordinatrice de la formation, l’entreprise de réinsertion herblinoise a revu tout son accompagnement social : internalisation d’un CIP 3 jours par semaine, nouvelle fiches d’évaluation des parcours. « On a fait table rase, puis recréé des ponts pour impliquer les encadrants techniques dans le social, et les chargé d’insertion dans la production. Aujourd’hui on est beaucoup plus pertinent ! », s’enthousiasme Christophe ODDON, directeur adjoint d’Envie 44.
Pédagogie de l’alternance intégrative
14 stagiaires, soient 90% de la promotion, ont obtenu cette année leur Diplôme ETAIE - qualification Niveau IV reconnue par le répertoire national des certifications professionnelles. « On ne le donne pas ! Mais dans les Pays de la Loire, le dispositif est d’excellence », note Pascal Plantard, qui pilote au niveau national le groupe d’appui pédagogique de la formation. La pédagogie de l’alternance intégrative, avec ses aller-retour entre terrain et analyse de pratique, fonctionne efficacement, grâce à l’implication des employeurs. Le coût pédagogique est financé par les Organismes Paritaires Collecteurs agréés, et le poste de coordinatrice de Marilyne Guillon par l’Etat via la DIRECCTE. Déjà 50 encadrants ont été formés dans la région, ambassadeurs de l’utilité du diplôme, ils encadrent 600 bénéficiaires. Les 13 stagiaires de la 4ème promotion, déjà convaincus, commencent le 7 octobre.
Armandine Penna
Article publié le : 27 septembre 2010
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